lundi 23 octobre 2023

Une belle histoire de pèlerins

 J'ai reçu cette belle histoire 

et 

je vous la partage en ces temps mouvementés.


Elles étaient sur le sentier, seules, deux pèlerines un peu perdues. 
C’est ma petite fille, la première, qui les a abordées. 

–      Do you speak french ?

–      Un tout petit peu. 

–      Where are you going ?

–      Nous cherchons tel restaurant à Aumont-Aubrac

–      Ça tombe bien, c’est un ami à nous. 

–      Nous cherchons aussi endroit pour dormir à Aumont.

–      Encore mieux, c’est chez les beaux-parents de mon fils. 

Elles n’en revenaient pas. Heureux « hasards » du Chemin qui avaient facilité la rencontre. Heureuses coïncidences : tout semblait prévu à l’avance, C’est ainsi que se déroula notre première rencontre entre Naama et Rosanne, de Tel Aviv et moi, Jean-Marie, natif du Puy. 

L’année suivante, alors que je marchais dans l’Aubrac avec mon ami tunisien Rachid, elles m’annoncent qu’elles sont de retour en France et nous proposent de se retrouver pour un bout de chemin ensemble. 

Et nous voilà partis tous les quatre pour plusieurs jours de marche à travers les Estives. Un catholique, un musulman et deux israélites, parlant mi français mi-anglais, avec force gestes, ça n’est pas commun, mais tout de suite, le courant passa entre nous. Simplicité des échanges, passions partagées, même attachement pour la nature. Les plaisanteries fusaient. Un groupe était né, une belle amitié s’éveillait. On n’en doutait plus : il fallait se revoir cette année. Et ce fut en septembre. Départ d’Aire sur Adour. 

2023 / Ces quinze jours sur le chemin furent une vraie bénédiction.

Naama était architecte et dessinatrice, Rosanne aimait l’histoire. Toutes les deux étaient férues d’architecture romane. Alors, on s’arrêtait dans les églises, on entrait dans les monastères, on poussait la porte des petites chapelles. Naama dessinait les cloitres, les portes des châteaux. Un jour, elles voient une sculpture au dessus du chœur : YHWH. « Regarde », s’écrie  Rosanne, « c’est comme sur le fronton de nos synagogues, Yahvé, le nom de l’Eternel ! » En effet, plus nous avancions, plus nous découvrions des similitudes entre nos trois confessions : la foi en un seul Dieu miséricordieux, le refus des idoles, les textes sacrés. Et, dans les lieux de culte : les autels, les vitraux, les candélabres, les anges. Un après-midi, les pèlerines nous disent : « Rachid et Jean-Marie, vous êtes nos anges gardiens !». On s’est esclaffé ! Imaginez la scène : deux anges gardiens de juifs, l’un est musulman, l’autre catholique !

Rachid, lui, était toujours en mouvement, plein d’énergie, d’un optimisme débordant. Très intéressé lui aussi par l’art religieux, il nous accompagnait dans les visites, donnant des détails sur la configuration des mosquées, les objets de culte. Un jour, j’osais une remarque : « Rachid, tu es musulman, tu entres dans les églises ? » Il me répond : « Où est le problème ? Tu entres bien dans les mosquées, toi ! ».En fin de journée, cependant, il décrétait que l’Art Roman, les vieilles pierres, c’était bien, mais ça ne nourrissait pas son homme et il nous invitait à nous restaurer. Comme il ne mangeait pas de porc, il avait droit à une double ration de légumes, ce qui déclenchait des éclats de rire sans fin.

Quant à moi, le régional de l’étape, natif du Puy, fréquentant le Chemin depuis mon plus jeune âge, je jouais un peu le rôle de guide tout en apprenant énormément à leur contact.

Que la route était belle dans ce Sud-Ouest si varié ! Après les landes sableuses, les champs de maïs, les bois de pins, nous avons aperçu les premières maisons à colombages. 

Chaque étape était l’occasion de rencontres d’une richesse incroyable. 

Les pèlerines découvraient chaque jour avec émerveillement l’atmosphère du Camino, ces rencontres uniques avec les marcheurs de tous les continents. Elles étaient venues pour étudier l’architecture, mais elles avaient trouvé des trésors bien plus riches encore : l’amitié, la simplicité des relations humaines, la joie saine et partagée. Une vraie solidarité régnait entre nous. Un jour où, très fatigué, je pensais arrêter la marche quelque temps, mes compagnons se sont relayés l’un après l’autre pour m’encourager. Nous parvînmes enfin à Roncevaux, théâtre de la bataille de Roland. Tout en haut, près de l’ancien monastère  de chanoines de Saint Augustin, nous avons médité sur les textes médiévaux du XIIIème siècle. 

Quelques jours plus tard, nous arrivâmes à Pampelune, ultime étape de notre périple. Nos adieux furent émouvants. Nos amies pèlerines, en nous quittant, arboraient de grands sourires. Elles prenaient l’avion de retour. Nous étions le 7 octobre au matin, journée funeste en Israël. Après ces semaines de douceur et de paix sur le Chemin, elles ne se doutaient pas qu’elles allaient au devant de l’enfer.  

Je joins ici bas, la lettre qu’elles nous ont envoyée dès leur arrivée à Tel Aviv.

Je suis rentrée ce matin. J’avais très peur que des roquettes explosent à l’aéroport mais le Hamas a commencé à bombarder une heure après mon arrivée. Nous avons donc réussi à rentrer chez nous sans danger. Nous nous sommes rencontrés un long moment avec nos filles à la maison. Au-delà de ce qui s’est passé, je crains maintenant pour notre fils Itéi qui sert dans une unité d’élite. Je crains pour tous les membres de la famille, les pilotes de combat et leurs amis. J’ai dans le cœur une immense douleur pour toutes les familles dont les enfants ont été probablement enlevés. C’est un évènement à l’échelle de l’holocauste. Je suppose que vous n’avez pas vu les vidéos qui sont distribuées ici mais les images sont choquantes et le mal inimaginable. Malgré la situation terrible, je voudrais vous dire quelque chose un peu optimiste. Mes filles m’ont demandé comment était le Chemin et si j’avais apprécié autant que je l’avais imaginé. J’ai commencé à leur dire que j’avais eu l’impression de m’épanouir. Les journées de marche commune ont été des moments inoubliables. La solidarité, l’attitude chaleureuse, l’amitié, les fou-rires, tout ce que nous avons vécu, tout cela, ce n’est pas rien. Je suis sûre que nous continuerons à être en contact étroit et à nous rencontrer tous sur le Camino prochain. Vous faites partie de nous, la famille Camino et surtout, vous êtes nos amis de cœur. Naama



Photo que j'ai récupéré sur Internet !


1 commentaire:

  1. Très émouvant, belle aventure du chemin, je souhaite que vous puissiez continuer.... prions pour que cette horrible guerre finisse très vite.... et que ces dames puissent trouver la chaleur et le reconfort en continuant le camino. Marie Thé

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